JuCIRprudence | Un cas de rejet de recours suite à un redressement de CII

Dans une décision, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux (CAA de Bordeaux, 7ème chambre, 10/03/2022, 20BX04191 – sociétés Groupimo, Groupimo Gestion (SARL Agence Lesage) et Madinina Syndic) a rejeté le recours des entreprises suite au redressement de leurs CII à 2017, lié à un projet d’innovation pour partie sous-traité à Sup’imo, une autre filiale du groupe intégré, qui a obtenu l’agrément CII, pour les années 2018 à 2022, sur la base des mêmes travaux.

jucirprudence Un cas de rejet de recours suite à un redressement de CII

Les faits

Les activités liées au crédit d’impôt innovation ou CII concernent l’étude, la conception, le développement et l’expérimentation du prototype du logiciel Redmine qui, d’après le groupe spécialisé dans l’immobilier, serait « le seul logiciel présent sur le marché et possédant de nouvelles fonctionnalités permettant de suivre et gérer les tâches liées à la copropriété, évaluer un bien en suivant un processus simple conduisant à un diagnostic, créer et finaliser un dossier de location à destination du gestionnaire ou du propriétaire d’un bien immobilier ».

L’argumentation de l’administration fiscale

Les demandes de remboursement de ces CII (de 33 644 € cumulé pour 2015, 34 923 € cumulé pour 2016 et 37 289 € cumulé pour 2017) ont été rejetées Le Tribunal Administratif de la Martinique a confirmé ce redressement par une triple décision du 22/10/2020, confirmée par la CAA de Bordeaux. Les différentes cours considérant que :

1 – La demande d’agrément portant sur les mêmes travaux, présentée par la société Sup’imo, une autre filiale du groupe, est « sans incidence sur les demandes de remboursement en litige », le groupe ayant considéré que ce jugement, insuffisamment motivé à son sens, le rendait irrégulier. Les cours précisent que la décision d’agrément, qui se borne à reconnaître la capacité de la société Sup’Imo à exécuter des travaux de conception de prototypes ou d’installations pilotes sans pour autant présumer de la réalisation effective de projets d’innovation, portant sur des années postérieures à celles en litige, n’est pas suffisante à elle seule pour démontrer l’éligibilité des travaux et des dépenses en question

2 – Si les améliorations fonctionnelles et ergonomiques de cette application et outil de gestion de projet Open Source ont eu pour effet l’extension de son champ fonctionnel, les travaux réalisés se bornent à utiliser des techniques existantes et ne présentent pas de caractère de nouveauté de nature à constituer le résultat d’une innovation au sens du CII

 

La vision de notre expert

Cette décision rappelle que l’agrément d’un prestataire CIR ou CII, si cela constitue un indicateur, ne suffit pas à justifier d’activités et dépenses éligibles.

Il faut :

  • Que l’opération présentée par l’entreprise déclarant du CII y soit globalement éligible
  • Que les activités sous-traitées constituent une opération nettement individualisée elle-même éligible au regard des critères officiels. Les textes précisent tout de même qu’à défaut, restent éligibles, les activités de sous-traitance « indispensables » à la conduite du projet du donneur d’ordre, à savoir conduites par des chercheurs et techniciens et participant au progrès des connaissances

Cette décision illustre aussi la vision de l’administration un peu trop « proche de celle du CIR » quant à ce critère de nouveauté (production de connaissances nouvelles par des résultats originaux ou divergents des attendus) alors que nous sommes ici dans du CII, la nouveauté concernant plutôt le fait que le projet en est encore au stade expérimental et n’est pas encore mis sur le marché.

De manière générale, dans le secteur du logiciel, il n’est pas évident de défendre la correspondance avec ce critère alors que beaucoup de concepts, méthodes, approches, technologies, voire codes, sont diffusés, partagés et réutilisés, notamment dans l’Open Source. La « réutilisation » conséquente du code conçu/développé pendant les phases expérimentales dans la version finale du logiciel est aussi souvent sujette à discussion par rapport à des secteurs ou il y a une séparation nette entre les activités et dépenses R&D ou d’Innovation et celles dites de « fabrication/production ».

Pour conclure, on peut aussi noter, même si ce n’est pas mentionné dans les textes :

  • La « relative faiblesse » des enjeux de CII ramenés au taux de 40% en DOM, et donc des dépenses et par conséquent d’investissement temporel, possiblement corrélable au niveau d’innovation, qui ont peut-être aussi été alors jugés comme insuffisants par l’administration
  • Le caractère « interne » au groupe du projet en question, relevant donc plus de l‘outil, alors que le CII est officiellement réservé aux projets produits/services à destination des clients

 

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